Rapport de recherches de
l'Institut de Recherches
Bibliques Interdisciplinaire

Rapport no. 9


 
 

LE TEMPS DU MESSIE

par Robert C. Newman

Séminaire biblique de théologie
Hatfield, Pennsylvanie
 

Cet ouvrage est la traduction française de:
THE TIME OF THE MESSIAH

Traduit de l'americain par Sophie Thiery
 

Copyright © de l'édition américaine en 1981
par Interdisciplinary Biblical Research Institute
Copyright © de l'édition française en 1997,XXXX
par Interdisciplinary Biblical Research Institute
 

 Résumé:

Les sources historiques des deux premiers siècles de notre ère indiquent qu'à cette époque, l'attente du retour du Messie s'appuyait sur une prophétie de l'Ancien Testament, probablement Daniel 9:24-27. Le calcul classique de Sir Robert Anderson, qui s'appuie sur ce passage, soulève de sérieux problèmes. Mais il existe une alternative si les <<semaines>> sont interprétées comme étant en fait des cycles d'années sabbatiques.


INTRODUCTION:

Si l'on en croit les spécialistes de cette période, le premier siècle de notre ère fut une période d'attente du Messie d'une intensité exceptionnelle chez les Juifs. Le sentiment était largement répandu qu'une prophétie concernant la venue du Messie était en train de s'accomplir. Le Romain Gaius Suetonius Tranquillus (Suétone), écrivant au début du deuxième siècle de la révolte juive (66-70 ap J-C), dit:

<<Une ancienne croyance bien établie s'était répandue dans tout l'Orient que le temps était venu où les hommes de Judée gouverneraient le monde. Cette prédiction, qui parlait de l'empereur de Rome, comme la suite des évènements allait le montrer, le peuple de Judée le prit pour lui-même.>>(1) Son compatriote Tacite nous parle aussi de cette prophétie, en donnant des informations plus précises sur ses sources: <<...la plupart d'entre eux était fermement persuadée que se trouvait dans les archives de leurs prêtres une prédiction indiquant comment, à ce moment précis, l'Orient devait croître en puissance et des souverains venus de Judée obtenir l'empire universel. Ces mystérieuses prophéties parlaient de Vespasien et de Titus, mais le bas peuple, aveuglé par l'ambition, avait interprété ces destinées grandioses comme étant les siennes, et même les désastres ne purent pas l'amener à croire la vérité.>>(2) L'historien juif Flavius Josèphe vécut plus près de là et écrivit pendant la décennie de la chute de Jérusalem (70 ap J-C). Écrivant avant que Titus ait succédé à son père comme empereur, il indique qu'un seul souverain était attendu: <<Mais en fait, c'était un oracle ambigü, qui se trouvait aussi dans leurs textes sacrés, qui les avait le plus exaltés et poussés à entreprendre cette guerre et qui disait que le temps était venu où un homme de leur pays se mettrait à la tête de toute terre habitable. Les Juifs jugèrent que cette prédiction les concernait particulièrement et les assertions de beaucoup de sages s'avérèrent ainsi fausses. En fait, cet oracle parlait de Vespasien, qui fut proclammé empereur en Judée.>>(3) On peut facilement comprendre que Flavius Josèphe ait appliqué cette prophétie à Vespasien, car celui-ci était son protecteur, mais il est peu probable que beaucoup de ses compatriotes vaincus aient été d'accord avec lui. Quoi qu'il en soit, un grand nombre de Juifs se montrèrent prêts, soixante ans seulement après ces évènements, à suivre Bar-Kochba dans une autre révolte désastreuse quand le rabbin Akiba l'eut proclamé Messie.(4)

Pourtant, au milieu du troisième siècle, un sentiment de résignation semble s'être installé chez les Juifs lorsque le célèbre savant rabbinique Rab (Abba Arika) eut admis que <<toutes les dates prédites étaient passées>>. Il expliqua cet apparent retard dans la venue du Messie en suggérant qu'il attendait maintenant la repentance et les bonnes oeuvres d'Israël.(5)

Ainsi, les sources juives et paiennes indiquent qu'au début de l'ère chrétienne, une prophétie de l'Ancien Testament prédisait un temps d'attente pour la venue du Messie qui expirait apparemment au premier siècle ap J-C. De quel(s) passage(s) prophétique(s) s'agissait-il? Quoique les sources citées précédemment ne le précisent pas, les Chrétiens croient depuis les premiers temps que cette prédiction se trouve dans Daniel 9:24-27(6) et ce bien qu'il y ait des désaccords considérables sur la façon dont elle annonce le ministère de Jésus.(7)

24. Soixante-dix semaines ont été fixées sur ton peuple et sur ta ville sainte pour faire cesser les crimes et mettre fin aux péchés, pour expier la faute et amener la justice éternelle, pour accomplir la vision et la prophétie et pour oindre le Saint des saints.

25. Prends-donc connaissance et comprends! Depuis la promulgation de la parole disant de rétablir et de reconstruire Jérusalem jusqu'au prince-messie, il y a sept semaines et soixante-deux semaines; les places et les fossés seront rétablis et reconstruits, mais en des temps d'angoisse.

26. Après les soixante-deux semaines, un messie sera retranché, et il n'aura personne pour lui. Le peuple d'un prince qui viendra détruira la ville et le sanctuaire, et sa fin arrivera comme par une inondation; il est résolu que les dévastations dureront jusqu'à la fin de la guerre.

27. Il fera avec beaucoup une solide alliance d'une semaine, et durant la moitié de la semaine, il fera cesser le sacrifice et l'offrande; le dévastateur ira à l'extrême des abominations, jusqu'à ce que la ruine et ce qui a été résolu fondent sur le dévastateur.

(Nouvelle Version Segond Révisée)

LE CALCUL D'ANDERSON:

La plus populaire interprétation récente de ce passage a été faite par Sir Robert Anderson.(8) Il indique que la fin de la soixante-neuvième semaine, la venue du <<prince-messie>>, est exactement le dimanche 6 avril de l'an 32 ap J-C, et affirme que c'est précisément le jour de l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem.(9)

Pour résumer, Anderson dit que <<la parole disant de rétablir et de reconstruire Jérusalem>> (Daniel 9:25) est la permission donnée à Néhémie par le roi de Perse Artaxerxès (Néhémie 2:6) de rebâtir la cité. Néhémie 2:1 nous dit que cela s'est produit au mois de Nisan de la 20ème année du règne de ce roi. Supposant que cet ordre ait été donné le premier du mois, Anderson situe le point de départ le 15 mars de l'an 445 av J-C.

Étant donné que le messie devait être <<retranché>> après que les soixante-neuf (7+62) semaines se soient écoulées, nous devrions être capables de calculer quand ceci se produirait. Pratiquement tous les commentateurs, libéraux ou conservateurs, s'accordent pour dire que les <<semaines>> dont parle la prédiction sont des périodes de sept ans plutôt que de sept jours, mais, dans ce cas, 483 ans (69x7) après le 15 mars 445 av J-C aboutirait au 15 mars de l'an 39 ap J-C, ce qui fait plusieurs années après que le ministère de Jésus sur terre se soit achevé.

C'est pourquoi Anderson suppose qu'une sorte particulière d'année a été utilisée dans cette prophétie, une année qui ne durerait que 360 jours (au lieu des 365 1/4 de l'année solaire) et qu'il appelle <<année prophétique>>.(10) Cette supposition se base sur Apocalypse 11:2-3 où Anderson fait égaler une période de 42 mois à une période de 1260 jours. Ces deux périodes seraient parfaitement égales si chaque mois durait 30 jours, et douze de ces mois couvriraient une période de 360 jours. Grâce à cet ajustement, Anderson convertit les années solaires en années prophétiques et aboutit pour la fin de la 69ème semaine au 6 avril de l'an 32 ap J-C.

Hélas, ce point de vue, aussi spectaculaire soit-il, doit faire face à plusieurs problèmes importants. Tout d'abord, Anderson choisit arbitrairement le premier du mois de Nisan comme point de départ de son calcul(11) malgré le fait que la Bible ne donne pour information que le mois et non le jour. Et si on prenait comme point de départ ne serait-ce que le 7ème jour du mois, la 69ème semaine prendrait fin après la crucifixion.

De plus, le calcul d'Anderson selon lequel le premier de Nisan serait le 15 mars 445 av J-C se base sur des calculs astronomiques modernes. Mais il n'est pas possible pour les scientifiques modernes de calculer le début d'un mois aussi ancien au jour près, car le premier jour du mois ne dépendait pas seulement de la position du soleil, de la lune et des étoiles pendant l'Antiquité (chose que les astronomes peuvent calculer) mais aussi des observations réellement faites de ces planètes par les anciens et des décisions qu'ils prenaient de commencer le mois ou l'année à telle ou telle date (chose pour laquelle nous avons besoin d'informations historiques plus que scientifiques). C'est pourquoi on peut s'interroger sur le point de départ choisi par Anderson.

Ensuite, Anderson a utilisé <<l'année prophétique>> pour mesure la longueur de la période de la prophétie. Mais l'Ancien Testament met en relation la fête de Pâques, au milieu de Nisan, et l'offrande de la première gerbe de blé (Lévitique 23:6-14) de sorte que le calendrier juif doit rester synchronisé avec les saisons. L'archéologie et le Talmud indiquent tous deux que ce résultat était obtenu en ajoutant un mois lunaire de plus tous les deux ans environ à l'année lunaire de 354 jours,(12) de sorte que, sur la longue durée, l'année juive moyenne est exactement de la même longueur que notre année solaire de 365 1/4 jours.

Apocalypse 11:2-3 n'a pas non plus besoin <<d'années prophétiques>> de 360 jours. On ne nous dit pas que les Gentils fouleront aux pieds la ville sainte pendant 42 mois jour pour jour. En se servant des mois et des années modernes (pratiquement les mêmes que ceux dont Rome se servait quand l'Apocalypse a été écrite), une période de 1260 jours correspond à 41 1/2 mois, que l'on peut facilement arrondir à 42. Si l'on compte en mois lunaires hébreux, qui durent environ 29 1/2 jours chacun, 1260 jours correspondent à 42 1/2 mois, il n'est donc pas du tout évident qu'il faille utiliser des <<années prophétiques>> de longueur particulière pour interpréter la Bible.

Troisièmement, on peut se demander si Jésus a été crucifié en 32 ap J-C ou non. Quoique cette possibilité ne puisse être exclue, l'année 30 ap J-C semble mieux convenir aux données du Nouveau Testament, à notre stade actuel de connaissance.(13) De plus, localiser précisément la date de la Pâques (et ainsi le dimanche des Rameaux qui le précède) soulève les mêmes problèmes de données astronomiques et de décisions concernant le calendrier chez les anciens que celles déjà mentionnées plus haut. Ainsi on rencontre de sérieux problèmes en essayant de faire correspondre le 6 avril de l'an 32 ap J-C et le jour de l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem.

En dépit de toutes ces objections, il y a des arguments valables en faveur de l'accomplissement de cette prophétie, même si le résultat n'est pas aussi spectaculaire que celui d'Anderson. De plus, l'alternative que nous proposons ici(14) se déduit bien plus naturellement du contexte.

LE CONTEXTE ENTOURANT LA PROPHETIE DES 70 SEMAINES:

Cette prophétie des 70 semaines (Daniel 9:24-27) a été donnée au prophète en réponse à sa prière que l'on trouve en Daniel 9:4-19. La raison de cette prière se trouve dans les versets un et deux du même chapitre. Daniel a simplement compris dans les <<livres>> (au pluriel) que les ruines de Jérusalem ne dureraient que soixante-dix ans et il prie que la promesse de Dieu puisse maintenant s'accomplir, le temps s'étant apparemment presque totalement écoulé. Puisqu'il est fait nominalement référence à Jérémie, c'est évidemment un des livres dont il parle (la durée de la captivité est annoncée dans Jérémie 25:11-12 et 29:10), mais de quels autres livres parle-il?

2 Chroniques mentionne aussi la captivité de 70 ans (36:21), mais étant donné qu'il continue en décrivant la décision du roi Cyrus autorisant les Juifs à retourner en Palestine, on peut penser que ce livre n'était pas achevé quand Daniel fit sa prière. Quoi qu'il en soit, l'auteur de Chroniques explique le fait que la captivité ait duré 70 ans comme une compensation aux 70 années de Sabbat durant lesquelles les Juifs avaient désobéi au commandement de Dieu de laisser la terre en friche.

Le commandement établissant l'année sabbatique se trouve dans Exode 23:10-11 et Lévitique 25:3-7, 18-22. Les versets d'Exode sont les suivants:

10. Pendant six années, tu ensemenceras la terre, et tu en recueilleras le produit.

11. Mais la septième, tu lui donneras du répit et tu l'abandonneras à elle-même;...

De plus, Lévitique 26:32-35 prédit qu'Israël connaîtrait l'exil s'il violait la règle de l'année sabbatique: 32. Je ravagerai moi-même le pays, et vos ennemis qui l'habiteront en seront stupéfaits.

33. Je vous disperserai parmi les nations et je tirerai l'épée derrière vous. Votre pays sera désolé, et vos villes seront désertes.

34. Alors le pays jouira de ses sabbats tout le temps qu'il sera désolé et que vous serez dans le pays de vos ennemis; alors le pays se reposera et jouira de ses sabbats.

35. Tout le temps qu'il sera ravagé, il aura le repos qu'il n'avait pas eu dans vos sabbats, tandis que vous l'habitiez.

Ainsi, Exode et Lévitique sont peut-être les autres livres consultés par Daniel. Au moins, il avait tous les outils en main pour arriver à la conclusion de 2 Chroniques -- que la longueur de l'exil d'Israël correspondait aux 70 années de sabbat qui avaient été négligées -- même s'il n'avait jamais vu ce livre. Il n'est donc pas déraisonnable de supposer que Daniel avait réfléchi au cycle de sept ans de culture de la terre ordonné par Dieu, et à la période de ces 70 cycles pendant laquelle Israël avait désobéi au commandement. Dans ce cas, le message que l'ange lui a apporté, <<Soixante-dix semaines ont été fixées sur ton peuple...>> semble beaucoup moins obscur. Je suggère donc que Daniel 9:24-27 emploie le terme <<semaine>> pour désigner le cycle des années sabbatiques de l'Ancien Testament.(15)

EXEGESE DE DANIEL 9:24-26:

Dans ce chapitre, nous n'aborderons que la venue du Messie, c'est à dire seulement les premières 69 semaines des 70 de Daniel. En ce qui concerne la 70ème semaine, il semble que le passage lui-même suggère une "discontinuité" de longueur indéterminée entre la 69ème et la 70ème semaine. Ainsi, la destruction du sanctuaire (apparemment le temple) mentionnée au verset 26 est suivie d'une déclaration qui résume la guerre et la désolation finales. Puis le verset 27 parle d'une alliance qui se situe apparemment au début de la 70ème semaine, suivie par une interruption des sacrifices qui semble présupposer un temple rebâti. Dans ce cas, la 70ème semaine serait encore maintenant à venir et donc à classer comme <<prophétie-encore-à-accomplir>>. Quoi qu'il en soit, ceci dépasse notre propos.

Pour calculer le temps de la venue du Messie, il nous faut considérer le verset 25 et une partie du verset 26 de Daniel 9. Les traductions de la Bible du roi Jacques (VRJ) et la nouvelle Bible standard américaine sont semblables(16) parlant d'un Messie qui vient au bout de 7+62 semaines:

Prends-donc connaissance et comprends! Depuis la promulgation de la parole disant de rétablir et de reconstruire Jérusalem jusqu'au prince-messie, il y a sept semaines et soixante-deux semaines: les places et les fossés seront rétablis et reconstruits, mais en des temps d'angoisse. Après les soixante-deux semaines, un messie sera retranché, et il n'aura personne pour lui ... D'un autre côté, la Version Standard Revisée (VSR) est caractéristique d'un ensemble de traductions(17) qui parlent de deux <<messies>> ou <<oints>>, l'un venant après les 7 semaines, l'autre retranché après les 62 semaines supplémentaires: Prends-donc connaissance et comprends que depuis la promulgation de la parole disant de rétablir et de reconstruire Jérusalem jusqu'à la venue d'un oint, un prince, sept semaines s'écouleront. Puis pour soixante-deux semaines, les places et les fossés seront rétablis et reconstruits, mais en des temps d'angoisse. Après les soixante-deux semaines, un oint sera retranché, et il n'aura personne pour lui ... La traduction VSR suit la ponctuation masorétique de la Bible hébraïque dans laquelle une différence de sens est faite entre sept semaines et soixante-deux semaines.(18) Mais cette ponctuation ne remonte qu'au IXème ou au Xème siècle ap J-C.(19) La traduction VSR explique la combinaison particulière qui lie 7 et 62 (alors qu'on aurait pu avoir la somme 69).

En dépit de ces faits, le parallélisme du passage est en faveur de la VRJ. En hébreu, l'expression traduite par <<rétablir et reconstruire>> est simplement constituée des deux mêmes verbes qui sont repris deux lignes en dessous. C'est de la même façon que le mot <<messie>> est répété. Ainsi, on peut schématiser le parallélisme du passage de la manière suivante:

Depuis la promulgation de la parole disant de <<rétablir et reconstruire>> Jérusalem jusqu'au prince-<<messie>>, il y a sept semaines et soixante-deux semaines;

Les places et les fossés seront <<rétablis et reconstruits>> ... Après les soixante-deux semaines, un <<messie>> sera retranché

Ce parallélisme suggère que l'on a d'abord une affirmation succinte qui parle de deux évènements à deux moments donnés, suivie de deux autres lignes qui apportent des détails sur un évènement puis l'autre. Ainsi, il n'y aurait qu'un seul messie ou oint, dont la venue se produirait 69 semaines après le point de départ. Peut-être les 7 premières semaines sont-elles celles de la reconstruction effective de la ville, si l'on peut se permettre une supposition.(20)

LA DATE DE DEPART:

Différents arguments ont été proposés pour trouver le véritable point de départ des 70 semaines.(21) Parmi les propositions --- 1) Les paroles de Dieu lors de la chute de Jérusalem (586 av J-C; Jérémie 25:11-12; 29:10); 2) Les paroles de Cyrus autorisant les captifs à rentrer (537 av J-C; 2 Chroniques 36:23; Esdras 1:2); 3) La mission d'Artaxerxès à Esdras (458 av J-C; Esdras 4:11-12, 23);(22) 4) La misson de Néhémie par Artaxerxès (445 av J-C; Néhémie 2:1-6) --- seule la dernière a abouti à la reconstruction du rempart. En fortifiant ainsi Jérusalem, celle-ci redevint, selon l'acception ancienne des termes, une ville et non plus un simple village.

Cette 4ème alternative, que nous suivrons, est le même point de départ que celui d'Anderson, c'est-à-dire 445 av J-C, la vingtième année du règne d'Artaxerxès I. Les études chronologiques n'ont pas changé l'année depuis l'époque d'Anderson, bien que l'on puisse discuter le choix du premier de Nisan.(23)

L'ANNEE SABBATIQUE:

Maintenant, il nous faut faire le calcul à partir de 445 av J-C. Toutefois, à la différence d'Anderson, nous allons chercher à utiliser les véritables cycles sabbatiques plutôt que d'effectuer l'opération 7x69 ans, puisque nous avons vu que cette méthode s'adaptait mieux au contexte. Mais est-il possible de discerner ces cycles dans l'Antiquité?

La preuve la plus connue de l'existence de cycles sabbatiques dans la période considérée se trouve dans le premier livre des Maccabées, source historique de premier ordre en ce qui concerne l'ère des Maccabées. C'est là que nous trouvons que la résistance juive aux Syriens a été affaiblie une fois à cause d'une année sabbatique (1 Maccabées 6:49;53-54). Une référence plus haut dans le même chapitre (6:20) indique que cela s'est passé pendant la 150ème année de l'ère Séleucide. Si l'on suit Finegan,(24) la 150ème année serait soit 163/2 av J-C, ou 162/1, selon l'utilisation du calcul babylonien ou macédonien.

La première de ces possibilités s'accorde très bien avec le cycle sabbatique moderne;(25) l'année 164/3 aurait été une année de sabbat, de sorte que la famine aurait été la plus vive l'année suivante avant que la récolte n'ait été moissonnée. Ce cycle sabbatique moderne semble être basé sur les travaux de Zuckermann en 1856.(26)

Récemment, pourtant, Ben Zion Wacholder a revu toutes les données sur lesquelles l'emplacement des cycles sabbatiques était basé, en plus d'une information considérable qui n'était pas disponible du temps de Zuckermann.(27) Le résultat est qu'il trouve que le cycle moderne se trompe d'un an, et il choisit la seconde alternative laissée par 1 Maccabées, choisissant 163/2 comme l'année sabbatique correcte.(28)

Nous suivrons la suggestion de Wacholder sur les cycles sabbatiques dans notre calcul, en gardant à l'esprit que les cycles peuvent être un an en retard.

LE CALCUL:

En utilisant la liste de Wacholder pour les années sabbatiques,(29) notre calcul est très simple. Notre point de départ, le mois de Nisan de 445 av J-C, tombe dans le cycle sabbatique 449-442 av J-C, dont la dernière année, de septembre 443 à septembre 442 est la septième année ou année sabbatique.(30) Si l’on utilise la méthode juive inclusive de calcul, 449-442 est la première <<semaine>> de la prophétie de Daniel. La seconde est 442-435 av J-C, etc. jusqu'au passage d'av J-C à ap J-C, où il faut se souvenir que 1 av J-C est immédiatement suivi de 1 ap J-C, sans année 0 au milieu.
 
 

Figure 1

Ainsi on trouve (Figure 1) que le 69ème cycle après qu'Artaxerxès ait donné à Néhémie la permission de rebâtir Jérusalem est 28-35 ap J-C, ce qui, de manière assez intéressante, est précisément la période où Jésus de Nazareth a été <<retranché>> en Palestine alors qu'il disait qu'il était le Messie de Dieu!

Certains pourraient protester que Daniel dit: <<Après les soixante-deux semaines, un messie sera retranché>>, alors que, selon ce calcul, la crucifixion advient pendant la 62ème semaine (la 69ème si l'on ajoute les 7 premières semaines). Mais ceci est aussi une expression juive commune. Souvenez-vous que l'on parle aussi bien de la résurrection de Jésus <<après trois jours>> (Matthieu 27:63; Marc 8:31) que <<le troisième jour>> (Matthieu 20:19).

Même en suivant le schéma de Zuckermann plutôt que celui de Wacholder, le 69ème cycle ne se décalerait que d'un an, 27-34, ce qui va aussi bien. De même, une erreur d'une ou deux années au début comme à la fin, la 20ème année de règne d'Artaxerxès ou la crucifixion, ne changerait pas le résultat. La prédiction correspond à la venue de Jésus même s'il y a des incertitudes chronologiques.

CONCLUSION:

Il semble y avoir une réelle force dans cette prophétie des 70 semaines. L'usage des années sabbatiques est indiqué par le contexte. Le calcul inclusif est la méthode juive habituelle. La situation dans la chronologie des cycles sabbatiques, des points de départ et d'arrivée peuvent comporter une erreur d'un an ou deux sans changer le résultat.

Et le résultat lui-même devrait être d'une certaine importance pour l'histoire de la pensée humaine, car, en désignant Jésus de Nazareth plusieurs siècles à l'avance, cette prophétie détruit l'idée que l'histoire ne peut être miraculeuse ou connue à l'avance (libéralisme théologique) et condamne le rejet de Jésus comme Messie (le judaisme orthodoxe et la plupart des religions non-chrétiennes).

Parmi tous ceux qui ont dit être le messie dans l'histoire du judaisme, le seul considéré comme un personnage historique hors du commun et comme un professeur moral (même par des athées) a <<par hasard>> mené son bref ministère et été <<retranché>> dans la période 28-35!
 
 

REFERENCES:

1. Suetonius, The Lives of the Caesars, "The Deified Vespasian," 4.5.

2. Tacitus, Histories, 5.13.

3. Josephus, Jewish War, 6.5.4

4. See, for example, Jack Finegan, Light from the Ancient Past, 2nd ed. (Princeton: Princeton University Press, 1959), p. 330.

5. Babylonian Talmud, Sanhedrin. 97b.

6. Some of the earliest Christian commentators: Clement of Alexandria (c 200), Miscellanies 1.21; Tertullian (c 200), An Answer to the Jews 8; Origen (c 225), De Principiis 4.1.5.

7. e.g., see J. Barton Payne, Encyclopedia of Bible Prophecy (New York: Harper and Row, 1973), pp. 383-389.

8. Sir Robert Anderson, The Coming Prince, 10th ed. (London: James Nisbet & Co., 1915; reprint, Grand Rapids: Kregel, 1957).

9. Ibid., pp. v-vi.

10. Ibid., p. 72.

11. Ibid., p. 122.

12. Jack Finegan, Handbook of Biblical Chronology (Princeton: Princeton University Press, 1964), sections 58-61.

13. Ibid., sections 454-468.

14. A revision of my article "Daniel's Seventy Weeks and the Old Testament Sabbath-Year Cycle," Journal of the Evangelical Theological Society 16 (1973), pp. 229-234.

15. Incidentally, a remark by the rabbis also associates the coming of the Messiah with a seven-year period. Babylonian Talmud, Sanhedrin 97a.

16. As also the Berkeley Version, the Amplified Bible, the Living Bible, the American Standard Version and the Jerusalem Bible.

17. Including the Jewish Publication Society's translation, the New English Bible, the Smith-Goodspeed and Moffatt translations, and the New American Bible.

18. See, e.g., Rudolf Kittel, ed., Biblica Hebraica, 14th ed. (Stuttgart: Württembergische Bibelanstalt, 1966), p. 1277.

19. Ernst Würtwein, The Text of the Old Testament (Oxford: Basil Blackwell, 1957) p. 19.

20. As suggested in the Berkeley Version. Smith-Goodspeed and the New English Bible imply such an interpretation by translating verse 25b: "for sixty-two weeks it shall stay rebuilt ..." (S-G); "for sixty-two weeks it shall remain restored ..." (NEB); but these translations of the verb shub find no warrant in the lexicons and merely show the problem of adopting the Masoretic punctuation.

21. See Payne, Encyclopedia of Bible Prophecy, loc. cit.

22. Ibid., p. 387, note 74.

23. Finegan, Biblical Chronology, section 336.

24. Ibid., sections 194-195.

25. Encyclopedia Judaica, 14:585.

26. Benedict Zuckermann, "Ueber Sabbatjahrcyclus und Jobelperiode," Jahresbericht des jüdisch-theologischen Seminars Fraenckelscher Stiftung (Breslau, 1857).

27. Ben Zion Wacholder, "The Calendar of Sabbatical Cycles During the Second Temple and the Early Rabbinic Period," Hebrew Union College Annual 44 (1973), pp. 153-196.

28. Ibid., pp. 156, 163.

29. A complete table from 519 B.C. to A.D. 441 is given at the end of Wacholder's article; Ibid., pp. 185-196.

30. The sabbatical year seems to have started in the fall, Leviticus 25:8-10.
 
 

This document is also available in PDF Format


Produced for IBRI
PO Box 423
Hatfield, PA 19440


You can contact IBRI by e-mail
Return to the IBRI Home Page

Last updated: January 17, 2002